Interview de Nicolas Puydebois, ex gardien croco, qui a encaissé le but le plus rapide de l'histoire de la Ligue 2 avec le Nîmes Olympique.
21/11/2018
Il a gagné trois titres de champion de France avec l'OL, il a encaissé le but le plus rapide de l'histoire de la Ligue 2 avec Nîmes, il s'est fait recadrer par Jean-Michel Aulas sur Twitter. Nicolas Puydebois, troisième gardien de Lyon de 2002 à 2005, en a vécu des aventures. Mais quel gardien français peut se vanter aujourd'hui d'avoir pris un but de Ruud van Nistelrooy ? Pas beaucoup... Interview.
Nicolas, votre père Roland était déjà gardien de but et a même entraîné les gardiens de but du centre de formation de l’OL. Est-ce que c’est lui qui vous a donné envie de devenir portier à votre tour ?
Oui, j’ai voulu faire comme lui, j’ai voulu suivre ses traces. Gardien de but, c’est une vocation ! On n’est pas gardien par hasard. On aime ce poste, on aime les responsabilités et on assume les responsabilités. Mon père, lui, ne voulait pas forcément que je le devienne. Il savait qu’il n’y avait qu’un seul numéro 1 dans une équipe et que les places étaient beaucoup plus chères à ce poste. Et ça s’est vérifié… (Rires)
A l’époque, comment avez-vous intégré le club de l’Olympique Lyonnais ?
J’ai débuté à l’AS Buers Villeurbanne. Puis, un copain à moi a signé à l’OL. Son père est passé à un de mes entraînements et il a dit à mon père qu’il recherchait un gardien. Je suis donc devenu le gardien de l’équipe 5 des poussins de l’OL. Comme quoi… on peut partir de loin et arriver là où je suis arrivé.
On sait que votre taille et votre poids ont toujours posé problème à l’OL dès les plus petites catégories. Comment avez-vous surmonté tout ça ?
Oui, en effet… (Rires) A 14 ans, on m’a même fait passer une radio des poignets pour savoir si j’allais grandir. Pour être tout à fait honnête, mon objectif n’était pas forcément de devenir pro. Je voulais atteindre les U15 Nationaux. Bien sûr, il y avait toujours ce petit rêve au fond, mais je savais que je n’avais pas les qualités pour prétendre à devenir pro. Au fur et à mesure de mon évolution et du travail que j’ai effectué, je me suis permis de rêver.
A en croire Wikipédia, vous avez remporté la Coupe Gambardella…
Je vous coupe tout de suite. C’est une erreur ! Je n’ai jamais remporté la Gambardella (Rires)
Par contre, avec Lyon, vous avez bien remporté deux championnats de CFA. Quels souvenirs gardez-vous de votre période foot amateur ?
Ce qui m’a le plus marqué, c’est la finale du championnat de France – de 17. On avait perdu 3 à 0 contre Bordeaux. C’était l’époque Feindouno… Je m’en souviens car c’était le 1er grand événement auquel je participais. Au centre de formation de l’OL, que ce soit en – de 15, – de 17, ou plus haut, on s’habitue à gagner. A cette époque-là, nos équipes de jeunes étaient pratiquement toutes en tête de leur championnat. A l’OL, j’ai appris la culture de la victoire et quand je suis arrivé à Strasbourg, j’ai appris à perdre. Sans rire ! A Lyon, durant toute ma carrière, j’ai appris à gagner. Avec Strasbourg, je n’ai gagné que 5 matchs dans la saison, j’ai appris ce que 95% des footballeurs connaissent : perdre. Des champions de France et des clubs qui jouent tous les ans la Coupe d’Europe, il n’y en a pas tant que ça ! On va dire que j’ai commencé avec la cerise sur le gâteau. Après, en tant que 2e gardien, quand on part du meilleur club français, on part forcément pour moins bien… En terme de qualité d’effectif, je savais que je ne pouvais pas prétendre aux mêmes résultats avec Strasbourg.
Que représente l’OL pour vous ?
C’est le club de mon cœur. J’ai eu la chance d’être supporter, de vivre le 1er titre dans l’intimité du groupe et de faire mes premiers matchs en pro avec mon club formateur. Jouer avec son club formateur dans le stade où on a été depuis tout petit, en effet, c’est un aboutissement. J’ai eu la chance d’être au bon endroit, au bon moment. Jouer la Coupe d’Europe avec mon club de cœur, ça n’a pas de prix. Avec les qualités que j’avais, on peut dire que j’ai quand même eu une bonne étoile au dessus de ma tête…
Quel est votre plus beau souvenir au club ?
Mon plus beau souvenir ? C’est le 1er titre de champion de France le 4 mai 2002. En plus, c’était le 1er titre de mon club. C’était important pour l’OL, les supporters et la ville. C’est une chance d’avoir participé à ça. Sinon, le plus gros moment de ma carrière, c’est le match face à Manchester United en Ligue des Champions. C’était des mecs que je regardais à la télé à l’Euro 2004 et quelques mois après je jouais contre eux. Dans ce genre de match, il faut gérer le stress et savoir appréhender ce genre d événement. J’ai eu la chance de vivre pas mal de choses… Il y a aussi la Coupe du Monde des – de 20 ans en Argentine en 2001 avec l’équipe de France Espoirs. C’était la génération des Cissé, Mexes, Bruno Cheyrou… Sans compter les rencontres qu’on peut faire, les villes dans lesquels on s’est installé comme Nîmes ou Strasbourg. C’est difficile de sortir un moment plus qu’un autre.
Et à l’inverse votre pire souvenir ?
Mon pire souvenir, c’est le jour de mon départ de l’OL. Le dernier match, c’était contre Nice, on avait fait un nul (0-0). Paul Le Guen devait me faire rentrer à la 60e minute à la place de Coupet, mais il y avait 0 à 0 et Paul ne voulait pas que je gâche mon image et que je fasse une mauvaise prestation. Il était même prévu que je fasse une petite accolade avec Grég. Je n’ai pas eu le droit à ça… C’est un mauvais moment mais il y a pire que ça dans la vie.
Quand on est gardien numéro 3 de l’équipe, rôle que vous avez joué au départ à Lyon, est-ce qu’on garde en tête le poste de numéro 1 ?
Non et c’est d’ailleurs pour ça que je suis parti de Lyon. L’idée, c’était de passer 2e gardien. J’avais la lucidité que je n’avais pas les qualités pour être numéro 1. Je savais que quand Grég (Coupet) allait s’en aller, ils ne me prendraient pas moi pour le remplacer. Et quand il est parti, ils ont acheté Hugo (Lloris). J’étais peut-être une bonne doublure mais je n’avais pas les qualités. Je n’étais pas destiné à ça.
Difficile de viser le poste alors qu’il y avait un gardien comme Grégory Coupet dans les cages…
Oui. Grégory Coupet titillait Fabien Barthez en Équipe de France, c’était donc compliqué pour moi. On s’est tiré mutuellement vers le haut. Il avait 9 ans de plus que moi, beaucoup d’expérience et d’avance par rapport à moi. Mais Grég est mon ami. En plus de se faire progresser, on travailler sereinement. C’était une période géniale dans ma carrière. J’ai gardé contact avec lui et on se voit de temps en temps, mais c’est difficile depuis qu’il est devenu entraîneur des gardiens de l’OL car il a moins de disponibilité. Mais j’ai toujours autant de plaisir quand on se revoit.
Au final, vous avez disputé quelques matchs de Ligue des Champions avec Lyon dont un match face à Manchester United. Comment avez-vous vécu ce match face à cette équipe mythique ?
La première mi-temps, j’ai été spectateur. D’ailleurs, Joël Bats me l’a rappelé gentiment à la pause. J’étais un peu pris par l’enjeu. En seconde période, j’ai vraiment profité. Mais, je n’avais pas l’expérience nécessaire pour en profiter pleinement. D’ailleurs, aujourd’hui, je n’ai que des bribes de souvenirs de cet événement. J’étais plus dans la concentration que dans l’instant présent.
Prendre un but de Ruud van Nistelrooy. Finalement, avec du recul, c’est une fierté ?
Prendre un but quand on est gardien ? Aucune fierté. Même si je suis bien conscient qu’un gardien qui ne prend pas de but, c’est un gardien qui ne joue pas. Le seul plaisir que j’ai eu, c’est d’entendre le public scander « Ruud ! Ruud ! Ruud ! », mais j’aurais préféré m’en passer pour être franc.
Avez-vous des regrets par rapport à votre carrière ?
Si vous m’aviez posé la question 5 ans en arrière, j’aurais dit oui. Aujourd’hui, toutes les personnes que je connais, que je croise, j’ai pu les rencontrer grâce aux choix que j’ai fait, bons et mauvais. J’aurais pu faire une meilleure carrière, c’est sûr, mais avec la maturité, je n’ai pas forcément de regret.
Vous avez fait un passage à Strasbourg et un passage à Nîmes. Que retenez-vous de ces deux aventures ?
J’ai appris le métier de footballeur dans ces moments-là. La vie que j’ai connu à l’OL, c’est la vie de 1 ou 2% de footballeurs. Je m’en serai contenté, c’est sûr, mais je n’avais pas les qualités pour vivre ça toute ma carrière. Peu importe où j’ai été, les clubs pour lesquels j’ai évolué, j’ai toujours eu des choses à jouer. Avec l’OL, on disputait le titre chaque saison, avec Strasbourg, on jouait la montée… Je n’ai jamais été dans le ventre mou. Que ce soit positif ou négatif, je n’ai jamais terminé ma saison à 5 matchs de la fin. C’est délicat à gérer mais tout aussi intense à vivre.
Vous avez encaissé le but le plus rapide de l’histoire de la ligue 2 à la 8e seconde de jeu avec Nîmes, sur un long dégagement de Rémi Maréval face au FC Nantes. Pouvez-vous nous raconter ? Qu’est ce qu’on se dit quand on encaisse un but comme celui-là ? Est-ce anecdotique ?
Anecdotique ? Non, pas tant que ça quand on connaît la suite… On m’a toujours dit qu’il fallait marquer sa carrière d’une manière ou d’une autre, moi c’était d’une autre (Rires). A chaque fois, on me parle moins de mes trois titres de champion de France que de ce but… Lors de ma mort, pendant le discours à l’enterrement, on en parlera (Rires). Ça va me suivre. Mais bon, en même temps, on peut s’en souvenir. J’ai eu la chance de jouer à ce niveau-là alors j’assume mes responsabilités, le bien comme le moins bien.
Comment avez-vous géré votre après-carrière ?
Ce n’était pas évident. On n’est pas forcément accompagné. Même en étant très terre à terre et pragmatique, on est quand même dans notre bulle. Un joueur pro touche de gros salaires et on sait qu’on est des privilégiés. On n’a pas la même vie que monsieur et madame tout le monde. Quand on rentre dans la vie active, on ne sait pas ce que c’est que de travailler. On trébuche mais on progresse car on apprend toujours de ses erreurs.
Aujourd’hui, vous êtes chroniqueur pour le site olympique-et-lyonnais.com. Journaliste est un métier qui pourrait vous correspondre pour la suite ?
Non, ce n’est pas mon métier, c’est un divertissement. Ça me permet de garder un œil sur l’OL et de donner mon avis. Parfois, je me fais remonter les bretelles par le président mais ça fait partie du jeu médiatique. En ce moment, je fais aussi de la gestion de patrimoine, c’est plutôt ça ma vie d’après. J’aide les gens à préparer leur avenir.
« Monsieur Puydebois, n’ayez pas l’outrecuidance de vous croire compétent pour juger vos pairs, souvenez-vous de votre niveau de joueur et restez calme ! »… Comment avez-vous vécu les commentaires du président Jean-Michel Aulas sur Twitter ?
Ce n’était pas agréable, bien sûr. Je sais qui je suis et je n’ai pas forcément de problème avec ça. Jean-Michel Aulas qui vous interpelle, c’est repris dans tous les médias, c’est normal. D’un épiphénomène, on en fait un tsunami. Et comme je l’ai déjà dit, quand on s’approche trop près du soleil, on se brule. Ça ne m’empêche pas de commenter les prestations de l’OL. Quand je dis des choses sur Lyon, c’est parce que j’aime ce club. Le président a le droit de ne pas être d’accord. Il y a beaucoup plus grave dans la vie que de se faire tancer par M. Aulas sur Twitter…
Quelles sont vos relations avec lui aujourd’hui ?
On a vaguement échangé l’année dernière dans notre émission sur olympique-et-lyonnais.com. On a discuté brièvement et c’était plutôt sympa. Il est reparti souriant et moi aussi. L’affaire est close jusqu’à la prochaine. Après, il est dans son rôle. Il défend son club, son institution, ses joueurs, comme quand j’étais gardien au club. Il continue d’être le bon président qu’il est.
Vous avez joué avec Juninho, Edmilson, Grégory Coupet, Sonny Anderson, Sidney Govou, Éric Abidal, Florent Malouda et d’autres. Avec qui avez-vous gardé contact ?
Je suis toujours pote avec Grég, Sidney, Sonny, Pierre Laigle, Eric Abidal, Réveillère, Malouda. Je n’ai pas de contacts réguliers avec eux mais quand on se voit, on a toujours plaisir à échanger. Malgré tout, on avait la chance de s’apprécier sur et en dehors des terrains. C’est pour ça qu’on avait de bons résultats. On était une bande de copains d’abord. J’ai eu le privilège de jouer avec de très bons joueurs mais qui étaient d’abord de bons mecs. D’ailleurs, un footballeur est meilleur quand il est un bon mec.
Vous êtes entraîneur des gardiens de but du club de Pontcharra. Comment ça se passe ? J’imagine que Joël Bats est une grande source d’inspiration pour vous à ce poste ?
J’accompagne aussi l’équipe première du club les jours de match. J’essaye de partager avec eux mon expérience. Entraîner les gardiens, ça me plaît ! On crée des liens, on essaie de les faire progresser, on les voit évoluer, on leur apprend à prendre du plaisir car c’est avant tout un jeu. Après, on peut prendre du plaisir en étant bon et en gagnant des matchs. Ce sont des moments de partage. Forcément, je m’inspire de ce que j’ai vécu avec Joël Bats et plein d’autres entraîneurs de gardiens comme Alexander Vencel que j’ai eu à Strasbourg. Forcément, on grandit de l’expérience que nous ont transmis nos différents coachs. Le but, c’est de moi, à mon tour, transmettre et partager. Je veux rendre au foot ce que le foot m’a donné, à petite échelle mais du mieux que possible.
Source : Actufoot