Pianiste, karatéka, spécialiste des penalties, qui est Umut Bozok (Marseille Consolat), le meilleur buteur du National ? (France Football 24/02/2017)
Joueur de piano, ceinture noire de karaté, mais aussi et surtout footballeur. FF est allé à la rencontre d'Umut Bozok, le meilleur buteur du National, qui fait les beaux jours de Marseille Consolat. Avant, pourquoi pas, de viser plus haut.
Il est le Alexandre Lacazette du National. Nom : Bozok. Prénom : Umut. Club : Marseille Consolat. Particularité : il a inscrit quatorze buts en Championnat cette saison (au 24 février), dont neuf penalties. Le voilà en tête du classement des buteurs de National. «René Malleville m'appelle le Lacazette du National, sourit Bozok. Mais je tire mon chapeau à Lacazette, c'est difficile de marquer tous ces penalties. Cette saison, on en a provoqué onze, j'en ai tiré neuf.»
Le karaté et le piano dès l'enfance
Mais n'allez pas croire que l'histoire s'arrête là. Umut Bozok, 20 ans, c'est l'itinéraire d'un gamin de Saint-Avold (Moselle, 57) qui n'a jamais vraiment pris le foot au sérieux. Du moins au début. «Le premier ballon qu'on m'acheté, c'était pour jouer au basket. Mais comme je ne faisais que de taper dedans avec mes pieds, on a fini par m'inscrire au foot, raconte l'attaquant aux origines turques. Mon grand-père suivait de très près le foot, il était un fan de Galatasaray. Le ballon, au départ, c'était un loisir pour m'amuser. Ça ne prenait pas vraiment beaucoup de place dans ma vie.» Surtout, pendant qu'il joue au foot, ses parents le poussent plutôt vers la musique. Notamment son père, musicien. Umut démarre le piano à sept ans. «Au début, il a commencé par la solfège, comme tout le monde, se rappelle Sati, la maman. Il se demandait ce qu'il faisait là, il n'était pas tellement motivé. Ensuite, il a fait la connaissance de sa prof de piano, avec qui ç'a été l'amour fou. Au fur et à mesure, il s'est mis à vraiment aimer ça.»
Surpoids, PlayStation et coïncidence
Au cœur d'une enfance décidément bien chargée, il se met également au karaté pendant près de neuf ans. Il décroche sa ceinture noire à seize piges. Mais c'est bien le foot qui devient de plus en plus important à ses yeux. «Je n'étais pas le plus doué, il faut dire que j'étais un peu gros. À treize ou quatorze ans, petit à petit, je me suis affiné, j'ai pris plus de plaisir, je me suis davantage investi en voyant que j'avais quelques qualités.»
À Saint-Avold, il évolue en défense centrale jusqu'à ses treize ans. Avant de devenir attaquant pour une occasion particulière. «On disputait un match pour la montée face à Amnéville. Le coach m'a alors demandé d'aller devant. J'ai marqué un but et délivré deux passes décisives, on a gagné.» Le FC Metz, toujours intéressé par des jeunes talents issus de la région, le repère et vient à sa rencontre. «Un jour, je n'ai pas pu aller à l'école car il y avait trop de neige. Je jouais à la PlayStation. J'avais créé mon propre personnage et j'évoluais sous les couleurs du FC Metz. Le même matin, le club appelle ma mère pour leur dire qu'on pouvait les rencontrer l'après-midi même.»
«Au bout d'un moment, je me suis dit que je pouvais dire adieu au foot»
Quelques mois plus tard, il part pour l'internat du centre de formation des Grenats. «Là-bas, j'y ai passé mes meilleures années. Sur le terrain, je comprends vraiment que j'ai de bonnes qualités et qu'avec du boulot, je peux rêver d'un contrat pro.» À Metz, il côtoie Maxwel Cornet, aujourd'hui à l'OL, qui redescend parfois pour donner des coups de main («Il était au-dessus du lot, il a été un exemple pour moi»). Au bout de trois ans, son contrat apprenti se transforme en contrat stagiaire. Ses statistiques commencent à flamber. Trente buts la première année, vingt ensuite avec la CFA. Mais le début d'année 2016 ne va pas tellement lui sourire. Entre un accident de voiture qui l'a marqué, mais aussi ce que tout jeune footballeur redoute : l'échec. Metz refuse de lui accorder son premier contrat chez les pros. «Ç'a été le premier coup dur de ma carrière, explique-t-il, amer. Pourtant, j'avais l'impression que le club croyait en moi. Je me suis entraîné avec les pros et on me faisait comprendre que je ne devais pas m'inquiéter pour la suite à Metz. Ça m'a un peu dérangé. Mais ce sont les aléas du foot.»
«Consolat, l'humilité, la solidarité»
Puis vient la remise en question. Continuer à se battre ou se réorienter vers un autre métier. Muni d'un bac S, Umut Bozok n'est pas inquiet même s'il confesse : «Au bout d'un moment, je me suis dit que je pouvais dire adieu au foot.» Il ne baisse pourtant pas les bras. Olivier Davo, son agent, lui dégote des essais à Boulogne-sur-Mer et à Sedan. Ces deux clubs tardent à lui faire une proposition. En contacts réguliers avec Marseille Consolat, Davo pousse les dirigeants à tester son poulain. Un jour, un attaquant de CFA ne se présente pas pour un test avec le club marseillais, Bozok est (enfin) convié. En à peine trois jours, il convainc son nouveau club. «Nicolas Usai, le coach qui était là à mon arrivée, m'a dit que j'allais m'intégrer très facilement. Il n'a pas eu tort. Je ne pensais pas que ça allait si bien se passer. On n'a pas les infrastructures d'un club comme Boulogne, mais c'est du haut niveau. Il y a les valeurs d'un quartier, d'une ville. L'humilité, la solidarité. Et puis c'est un bon tremplin pour les jeunes.»
«Avant les matches, j'écoute souvent de la musique classique»
Déterminé, Bozok n'hésite pas à s'infliger plusieurs heures de travail personnel avec une structure mise à disposition par son entourage. Physique, mental, rien n'est négligé. Dans son quotidien et sur la route du professionnalisme, le piano et le karaté, ses passions d'enfance, lui servent encore aujourd'hui. «Le piano m'aide dans la relaxation avant les matches. C'est un instrument très utile pour le mental. Bon, ça ne remplace pas les siestes non plus, sourit-il. D'ailleurs, avant les matches, j'écoute souvent de la musique classique. Quant au karaté, c'est bon pour le self-control, pour me recentrer sur ma performance, faire mon autocritique. Question souplesse, pour les volées, les frappes, les ciseaux, c'est également un plus.»
Avec sa baraka, Bozok, en tête du classement des buteurs, veut bien viser le titre de «Pichichi» au terme de l'exercice. Avant d'aller voir plus loin ? «Pourquoi pas dépasser le total de Fortuné la saison dernière (17 buts) avant, ensuite, d'avoir des propositions en Ligue 2. Mon objectif était surtout de faire absolument une saison complète en National.» ((A l'issue de la 34e et dernière journée, Umut Bozok a terminé en tête du classement des buteurs avec dix-sept réalisations dont 9 sur pénalty en 31 matches soit une moyenne de 0,55)
Et quand on sait que les dix derniers meilleurs buteurs de National ont tous connu la Ligue 2 voire la Ligue 1 la saison suivante, il peut rêver à toucher enfin le monde pro dans un futur proche (à Nîmes ?)...